La Clusaz prépare l’avenir : l’eau, l’enjeu du siècle
Dans l’avenir, l’eau potable sera au centre des préoccupations planétaires. Des territoires jusqu’ici préservés seront confrontés à des pénuries. Ce n’est pas un hasard si des multinationales ont fait l’acquisition à grand prix de sources d’eau de qualité dans le monde entier. Elles savent que l’eau sera l’or de demain.
Jusqu’à présent, les retenues d’altitude construites en montagne l’étaient exclusivement dans l’objectif d’alimenter la fabrication de neige de culture en hiver. Progressivement, celles-ci deviennent polyvalentes et sont équipées de revêtement alimentaire et alimentées exclusivement en eau potable, afin de pourvoir aux besoins des populations en période d’étiage ou de sècheresse, sur place en montagne, ou en plaine.
C’est la solution actuellement étudiée par la commune de La Clusaz. Favoriser et financer l’évolution 4 saisons pour assurer les transitions et pourvoir aux besoins en eau des habitants de la commune.
Il se construit de milliers de retenues d’altitude partout dans le monde, mais celle de la Colombière a soulevé des questionnements. Aussi, La Clusaz partage en toute transparence les études confiées à des experts indépendants chargés de trouver les solutions les plus adaptées pour faire face aux enjeux de l’eau dans l’avenir.
UN APPROVISIONNEMENT EN EAU DU VILLAGE TROP INSTABLE
Les études menées par O des Aravis, opérateur public de gestion de l’eau, et la commune de La Clusaz ont permis de mesurer et anticiper les évolutions climatiques et d’anticiper l’évolution des besoins en eau du territoire. Pour assurer à long terme l’approvisionnement de tous, des aménagements d’une importance stratégique sont nécessaires. Les ressources disponibles pour alimenter le village, fluctuent au gré des aléas climatiques et des saisons, et ne représentent malheureusement plus une solution suffisamment sûre.
UNE RETENUE INDISPENSABLE POUR NOTRE TERRITOIRE
La solution est donc la construction d’un réservoir de 150 000m³ dédiés à l’eau potable et à la production de neige de culture. Si ce projet pérennisera l’approvisionnement en eau pour la consommation, il contribuera également à conforter l’activité ski existante, pierre angulaire de nos économies locales. Cette continuité de nos activités ski sera motrice du financement des nouvelles orientations touristiques, basées sur ses valeurs intrinsèques : respect des montagnes et des personnes qui la peuplent.
PAROLES D’EXPERTS
Philippe Rousset – Hydrogéologue – Docteur en Géologie Appliquée
QUE SE PASSE-T-IL SOUS LA TERRE DE LA CLUSAZ ?
QUELLE EST LA CAPACITE DU SOL A RETENIR L’EAU ?
« Les ressources en eau d’un territoire sont conditionnées par la nature et la structure des terrains sur lesquels il se déploie.
À la Clusaz, les principaux terrains aquifères sont des calcaires caractérisés par une perméabilité de fissures et de chenaux. Dans ces terrains, les eaux circulent rapidement la capacité de rétention de l’eau est faible. Les débits disponibles gravitairement présentent de très fortes variations entre les périodes de hautes et basses eaux. C’est le cas de la principale ressource en eau de la Clusaz, la source de la Gonière qui assure plus de 65 % de l’alimentation en eau potable de la commune. »
QUEL EST L’ETAT DES NAPPES PHREATIQUES ?
« Le contexte hydrogéologique de la Clusaz n’est pas favorable à la présence de nappe phréatique contenue dans des sables et graviers, comme souvent observée en plaine. La seule nappe de ce type, présentant un intérêt pour l’alimentation en eau potable, sur le territoire de la commune, est la nappe du Fernuy, actuellement captée. Ses réserves faibles (15 000 m3) représentent 3 % de l’alimentation en eau potable de la Clusaz.
Des forages de plus de 100 mètres de profondeur ont été réalisés pour l’installation de sondes géothermiques dans le secteur du Bossonnet et à proximité du village. Ils n’ont pas intercepté d’aquifère, conformément au contexte hydrogéologique. »
QUEL EST LE DEBIT DES SOURCES ?
« Le débit naturel des ressources en eau captées de la commune est compris entre 1 500 m3/jour en période d’étiage (période concomitante à la pleine saison touristique) et plus de 6 000 m3/jour en période de hautes eaux (en dehors des périodes d’affluence). Principalement gravitaire, ces ressources sont directement tributaires des conditions hydrologiques et climatiques (précipitations, températures). »
QUELLE EST LA SITUATION DE L’EAU À LA CLUSAZ ?
« La Clusaz a besoin de renforcer et de sécuriser ses ressources en eau potable dans un contexte hydrogéologique local peu propice à la découverte et à la mise en exploitation de nouvelles ressources. »
Carlo Maria CARMAGNOLA
Météo-France – Chercheur – Centre d’Études de la Neige – Dianeige
Recherche et formation sur la neige dans les domaines skiables
QUELLE EST LA SITUATION METEOROLOGIQUE ?
« À la suite de la publication d’une publication scientifique* réalisée par les équipes de Météo France et l’INRAE en 2019, La Clusaz m’a contacté afin d’étudier quelles seraient les conditions météorologiques optimales de La Clusaz à l’horizon 2050 pour assurer la pérennisation de la skiabilité existante.
La station pourrait-elle résister aux changements climatiques dans les prochaines décennies (hausse de la température, diminution de l’enneigement naturel) ? La construction de la retenue d’altitude de La Colombière permettrait elle de maintenir, voire d’améliorer, la skiabilité à 20, 30 ans ?
Sur place, je n’ai pu que constater la valeur ajoutée du projet de la retenue. Si celle-ci est construite, la viabilité de la skiabilité actuelle de la station augmente si la surface couverte en neige de culture passe de 30% (taux actuelle à La Clusaz) à 45% (taux qui intègre les projets futurs, dont la retenue de la Colombière).
Les modèles prédisent qu’à La Clusaz, à l’horizon 2050, le froid restera suffisant pour exploiter le réseau de production de neige de culture, même en tenant compte du scénario environnemental le plus pessimiste. La valeur ajoutée de la neige de culture pour conforter l’enneigement naturel est évidente. »
COMMENT EVOLUE LE VOLUME DES PRECIPITATIONS ?
« Concernant les précipitations (neige+pluie), on voit des tendances climatiques plutôt à la hausse en hiver et à la baisse en été. Il semble que l’intensité des phénomènes extrêmes se confirment, plus de vents violents, des pics de précipitation plus importants, des épisodes de canicule plus fréquents. »
On peut donc en conclure que le volume annuel identique de précipitation est diffusé sur des périodes plus courtes. Au printemps et en été, les orages entrainent le ruissellement de l’eau qui n’est pas stockée. Le peu d’eau sédentaire est absorbé par la végétation. Cette importante déperdition nécessite de stocker une infime partie de celle-ci. Le plus gros volume d’eau ruisselle en aval et alimente plaines et zones urbaines.
QUELLES SONT LES SOLUTIONS DE STOCKAGE DE CES PLUIES TORRENTIELLES ?
« La meilleure solution de stockage de l’eau est la retenue d’altitude. L’eau issue des précipitations et de la fonte des neiges y est stockée grâce à un revêtement alimentaire jusqu’au prélèvement pour la production de neige de culture. »
Georges Bise – Directeur Général « O des Aravis »
» Cela fait 30 ans que la ressource de l’eau se gère au niveau intercommunal (4 communes : La Clusaz, Le Grand Bornand, Saint Jean de Sixt et Les Villards sur Thônes). Ensemble, une vision pionnière a été établie, pour s’inscrire dorénavant dans une démarche globale à l’échelle des communes du Haut Bassin du Fier.
La retenue de La Colombière est donc l’une des solutions de cette vision pionnière commune. Ce n’est pas La Clusaz qui a décidé de la construction de cette retenue, cela découle d’une nouvelle étape dans le déploiement du Projet de Territoire pour la Gestion de l’Eau (PTGE) qui a été élaboré grâce à de longs échanges, partages, études et évaluations, et à un schéma directeur réfléchi depuis de nombreuses années autour d’un même sujet : qui utilise la ressource de l’eau ? Comment l’utiliser ? Et surtout comment l’économiser ? »
Arthur Thovex – Conseiller municipal chargé de l’environnement et du developpement durable
« Je me suis penché sur le problème de l’eau, lors d’une réunion organisée par la mairie en janvier 2021. J’ai pu prendre conscience de l’évolution du climat et de son impact sur la vie de notre village. Il fallait faire quelque chose. Quand le projet de la retenue m’a été présenté, j’ai surtout compris qu’il avait été bien mené et qu’il s’était inscrit dans une démarche globale ayant pour but de : éviter, réduire et compenser.
En effet, j’ai pu constaté que ce projet va bien plus loin que ce que l’État le demande habituellement lorsque ce genre de projet est validé. La mairie a mené avec l’État et des experts de nombreuses études qui ont permis d’éviter et de réduire au maximum les impacts. Malgré tout, lorsque cela n’a pas été possible, nous avons compensé les surfaces impactées en dépassant largement nos obligations réglementaires : en récréant 8 fois plus de zones humides par exemple, ou en délimitant une zone de près de 5 hectares de forêt à proximité immédiate du projet où toute intervention humaine est proscrite pendant 80 ans. »
Plusieurs études rappellent qu’à l’horizon 2050, il pourrait y avoir un déficit en eau à hauteur de 50 000 m3 en tenant compte de l’état actuel de la population et des perspectives de croissance prévues au PLU (Plan local d’urbanisme) actuel. Il faut donc penser à l’avenir et créer une solution afin de faire face au manque d’eau prévisible.
Aucune des retenues actuellement en exploitation n’est alimentée en eau potable, ni même en capacité de stocker de l’eau potable. En effet, leur revêtement n’est pas conforme aux normes alimentaires et celles-ci sont en grande partie alimentées par des eaux de ruissellement impropres à la consommation humaine. L’agrandissement des quatre autres retenues a été étudié. Il ne permettrait de pourvoir qu’à 30% la capacité nécessaire à l’approvisionnement du village en 2050.
La solution du bassin de la Colombière prévoit un volume de 150 000 m3, destiné en hiver à la neige de culture, à la fourniture d’eau potable à la population et l’activité pastorale. En cas de sécheresse, ces 150 000 m3 alimenteraient exclusivement le réseau d’eau potable.